La nature est le LA de toute culture

Publié le par Quotidien de Babylone


Bloc-notes de Paul-Marie Coûteaux

Dimanche 17 mai 2009 ; Mirebeau
. Hier, comité directeur du RIF. Nous avons lancé des pistes de tous côtés; c’était brouillon, décousu, et prometteur.

 

Dans quel sens aller ? Livres promis, notes à reprendre, rangements trop différés, articles à faire, lectures remises, courriers en retard, lettres indispensables, mille autres choses encore…, je ne sais où donner de la tête. Par où commencer, et sur quelle ligne durable inscrire le temps qu’il m’est ainsi donné. Pour l’heure, je ne fais presque rien : téléphones, hélas; lectures de Renaud Camus, et de l’époustouflante étude de Vincent Nouzille sur le rôle de la CIA dans la politique française (“Des Secrets bien gardés”), époustouflante par ce qu’elle révèle et par la précision de sa documentation; lecture aussi du dernier Saint Robert, “Ecrire n’est pas joué”, “essai littéraire” qui m’impressionne et que je lis goutte à goutte – il y a si longtemps que n’était point arrivé semblable événement : la publication d’un livre de saint Robert !

 

 

                                           *



Mardi 19 mai 2009 ; Mirebeau.
Seul, pleinement seul au prieuré pour plusieurs jours. Il me semble que les chats  sont heureux de ce calme, et de notre solitude. Tout à l’heure, Thèmis venant et revenant se faire caresser, sans doute pour détourner mon attention du livre dont elle paraît tant jalouse, s’est mise à jouer avec le petit tapis rouge de la bibliothèque, le retournant en tous sens, se glissant sous ses plis, et me regardant à intervalles réguliers pour s’assurer que je suivais son spectacle.

 

 

                                                *

 

 

Mercredi 20 mai 2009 ; Mirebeau. Les belles fenêtres ont une magie, plus forte me semble-t-il que tous les cadres. Celle qui, dans ma chambre, du côté de mon lit, donne sur la cour, et qui est faite de grands carreaux, découpe la rocaille qui s’étage du grand mur jusqu’à la margelle de l’allée,  et qui est en ce moment, au soleil, d’une profusion magnifique : ce sont, devant moi, autant de bouquets changeants, indescriptibles, mais incroyablement lumineux, vers lesquels mon regard, du bureau, revient sans cesse ces jours-ci…. Si le temps est chaud, et que j’ouvre la porte fenêtre, le massif m’arrive d’un coup, sa profusion est trop abondante pour que je l’embrasse d’un seul regard, et je n’ai plus qu’un éclat de couleurs et de lumière, cascade de petites pensées de toutes teintes, de roses rouges et d’autres jaunes et de buissons de tous els verts, que survolent les filets fragiles du “désespoir du peintre” et les longs iris. Est-ce trop, pour un seul regard ? Pour bien voir, rien ne vaut les petits tableaux que les carreaux de la fenêtre découpent et juxtaposent, bouquets d’un plus vaste bouquet, qui paraît ne pas finir…

 

           

                                                *

 

 

Jeudi 21 mai 2009 ; Mirebeau. Petit déjeuner sur la terrasse ; dans le jardin, les chats dansent : de toutes parts, le beau temps fait surgir des papillons vers lesquels ils s’élancent et manquent toujours; mais ils s’exaltent, sautent de plus belle, et les papillons volettent de-ci, delà sans paraître s’en soucier, à moins qu’ils ne jouent. De temps en temps, le petit souffle du matin agite le bout des branches, qui paraissent applaudir. On ne connait pas spectacle plus joyeux. 

 

          Pourquoi me perdre dans la vie de ce petit monde, la maison, les jardins, les chats, et pourquoi les décrire ici en incipits réguliers, avant d’attaquer de plus austères sujets ? A l’agrément, et ce désir de nommer les choses pour qu’elles existent pleinement, j’ajoutais, in petto, la petite théorie entêtée qui voudrait que nulle politique ne soit claire ni forte ni juste si, à intervalles réguliers, elle ne sait partir de la vie simple et brute du monde, pour mieux dire “la nature” : elle est le “la” que se donnent les musiciens; soit; je n’en démords pas. Mais je découvre à présent que la règle des incipits bucoliques n’est pas seulement bienfaisante pour la politique, mais aussi pour toute écriture, en somme tout travail de culture. Nous revoilà sur le bon vieux couple nature/culture qui s’éclaire d’un jour tout neuf, et magnifique. Et si la culture s’étiole tat aujourd’hui, c’est qu’il lui manque sa nourricière nature (cf « art moderne »).

 

Publié dans Réflexions

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article