16 au 31 décembre 2008

Mercredi 17 décembre 2008 ; dans le train Strasbourg-Paris, train bondé comme à l’habitude. Ce que mes contemporains peuvent aimer « voyager » ! (J’écris cela mais chacun sait que le besoin de « bouger » sans cesse n’a plus grand chose à voir avec ce que l’on a longtemps entendu par « voyager », mais bien davantage avec le vide l’âme et la vacance de l’esprit ; on a à l’esprit l’image du débile, reconnaissable justement à ce qu’il gesticule et gigotte en tous sens -ce que je fais d’ailleurs, pour des raisons bêtement professionnelles, en sorte que ma vie va au vent, et que la débilité sans nul doute m’envahit à mon tour… Et, non seulement ils « voyagent » en masse, mais en plus, ils éprouvent le permanent besoin de se nourrir (de « manger » comme ils disent), en sorte que l’on est transporté, même dans les premières classes, dans une odeur d’arrière-cuisine, ou d’hôpital à l’heure de la soupe…).      

 

Suit une éprouvante séquence de métro, bondé lui aussi en raison d’une nouvelle grève ; une voisine de boite à sardine dit à une autre « mais quand même c’est bien, on aura bientôt un nouveau service, on pourra être prévenus des grèves par SMS » ; ce qui signifie que l’on fait chaque jour un pas supplémentaire dans l’horreur : non seulement le Système avale ses dysfonctionnements, de plus en plus nombreux, mais, faisant feu de tout bois, il s’en sert aussi peut pénétrer dans l’intimité de ses clients : bien entendu, ces restrictions à la sphère intime éliminent encore un peu plus de l’ancienne solitude, qui fut longtemps, et qui restera peut-être l’ultime résistance… Ce qui rend ce système si efficace c’est que justement ses opposants habituels, socialistes et autres de ce type, sont à coté de la plaque ; et, même, leur critique le renforce : ainsi la « communication » n’est pas du tout le remède universel à l’asservissement, mais son vecteur ; et c’est l’inverse, le silence et la solitude, qui lui imposent encore quelques limites. De même, le système mondialiste tolère-t-il fort bien ses critiques, anti-mondialisme, islamisme ou autre, attendu qu’ils sont encore des mondialismes -la seule position critique, entendre le refus de dépasser les nations et de jeter avec elles les cultures ancestrales, étant interdite ; et même l’esprit critique qu’il tend si bruyamment à encourager, à l’école notamment, c’est encore contre l‘ancien monde qu’il a réussi à le diriger, c’est à dire  non contre lui, mais contre son négatif… Au fond, de ce monde parfait, on ne peut plus attendre que l’effondrement.

 

Mais comme ils aiment leur servitude, comme ils s’y baignent eux-mêmes ! Se « distraient-ils », c’est pour plonger dans des jeux plus consternants les uns que les autres –y compris les innombrables jeux bien abusivement dits sportifs, qui consistent à regarder la téloche et à s’encombrer la mémoire de flopées de champions, faisant preuve alors d’une capacité d’absorption de noms, de règles et de détails infiniment plus compliqués que le B.A.-BA des questions politiques majeures. Font-ils de la politique, justement, c’est pour répéter ce qu’ils entendent, le plus souvent pour s’opposer en troupeau à tout ce qui n’est pas moderne; lisent-il un journal, c’est un journal de sport ou de jeux; enfantent-ils, ils donnent à leur progéniture des prénoms de feuilletons étasuniens, les aliénant en somme dès la naissance. Irresponsables de tout, et d’abord de la France, c’est encore la France qu’ils accuseront quand ils seront à l’eau…

 

 

                                                 *

 

 

Jeudi 25 décembre ; Bordeaux. – Hier, déjeuner au Noailles avec N. L., bordelais trentenaire qui vient d’avoir un fils et d’adhérer au RIF. Sa conversation m’enthousiasme. Il y a encore des Français de bonne trempe…

 

Bordeaux décidemment très belle. Un peu minérale certes, mais les jours d’affluence, où les passants sont joyeux et comme recueillis (le commerce devient aussi une sorte de recueillement), elle ne paraît plus rien d’autre qu’un ville opulente, et avec élégance. Du moins le serait-elle sans tache, n’étaient les innombrables mendiants, qui m’effraient toujours autant –et, aussi, aux émeutes sans nul doute à venir.

 

Soirée habituelle dite de Noël, encombrée de paquets ; cette fois, une curiosité : comme la cérémonie des cadeaux traîne, j’émets le vœux d’accélérer un peu, faute de quoi je vais manquer la messe de minuit à Saint Eloi : mais voilà que M., l’ainée de mes nièces m’algarade parce que je manque ainsi « à la  convivialité » ; et certes, il faut admettre qu’il y a une convivialité marchande ; mais se voir interdire par une adolescente d’aller à la messe un soir de Noël fait une drôle d’impression : grande victoire du commerce, en tous les cas, que d’être seul légitime jusqu’au soir de Noël.

 

J’arrive juste à temps pour le début de la messe à laquelle j’assiste debout, l’affluence étant grande ; dans l’assistance, communion au sens précis du terme ; puis, je vais passer une demi-nuit douce à Léognan. Au fond, tout cela assez bien : je parviens encore à vivre comme je l’entends.

 

 

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Vendredi 26 décembre 2008 ; Bordeaux - C’est la Grande Trêve : non seulement le Président de la République est à l'étranger mais le Premier Ministre, qui doit le remplacer, l’est aussi ; et de même le premier des ministres, suivant selon l’ordre protocolaire, M. Borloo : c'est donc Mme Alliot-Marie qui assure la permanence. L'opposition glose sur la désertion générale de la tête de l’Exécutif, qui en effet, n'est pas normale. Quand de Gaulle partait en voyage officiel à l'étranger, son Premier ministre restait à Paris, c'était de règle - mais c'était aussi l'époque où il y avait un Etat. Le plus significatif, je veux dire le plus significatif de la déliquescence actuelle, est le fait que les trois éminences, non seulement ne sont pas à Paris, mais sont toutes à l'étranger : le Brésil, l'Italie, les îles exotiques. Pour moi, le reflexe qu’ont les prétendues élites de partir au loin à la première occasion est symptomatique du déni d'appartenance à la France -au territoire, à la terre de France.

 

 Le choix du lieu où l’on prend ses vacances est d’ailleurs fort intéressant. Parmi mes amis, par exemple, j'aime assez qu’un tel choisisse la Bretagne, un autre La Baule, un autre la Haute-Savoie, ce qui leur va bien, témoigne d’un goût qui leur est attaché; j'aime moins qu’un de mes proches parents, par exemple, par pur conformation à l’exotisme de rigueur, s'en aille courir jusques à Bali, loin d’une Europe dont il persiste à ne rien connaître. Passons sur les familles qui vont à la plage, ce qui est à la fois bien compréhensible et un peu sot. Quant à M. Sarkozy, puisque c'est lui que j'ai décidément en tête, je trouve éloquents ses choix de villégiature; l’été qui suivit son élection, il choisit Wolfeboro, dans le New-Hampshire, confirmant sans mesure un goût constant pour l'Amérique, ou plus exactement les Etats-Unis, et, surtout, une civilisation dont il ne cesse depuis les lunes de chanter les louanges… Mais le plus beau dans ce choix de vacances c'est ce qu'il indique comme une béance il n'y a pas de lieu, en France, où l’on attendrait M. Sarkozy ; il n’a pas de "chez M. Sarkozy". M. Sarkozy est absolument un homme sans lieu ; sans lieu à Paris, si ce n'est Neuilly, ville qu'il n'a rencontrée que pour la nécessité de sa carrière et qui, n'en déplaise à ses chers habitants, n'est justement pas un lieu… Quant à ses attaches en France, on veut dire dans les provinces françaises, néant. Certes, il ne cherche pas à dissimuler sa détestation de la campagne ; mais il n’y a pas que des campagnes, en France…N’y a-t-il aucun site qui par bonheur l’inspire ? Quand il eut à prendre quelques jours de repos après son élection, M. Sarkozy alla faire retraite, non dans quelque belle contrée française, une maison familiale, un monastère, un noble site, mais en mer –encore, non point au large de nos côtes, mais dans les parages de Malte.

 

C'est là sans doute l'une des choses les plus remarquables du personnage : que c'est un homme absolument sans lieu. M. Mitterrand, lui, avait des lieux, et combien ! Il y avait Latche, dans les profondes Landes, pour ses vacances d'été et, je crois bien, celles de Noël - il y recevait quelques grands de ce monde; il y avait la célèbre roche de Solutré, pleine de mystères très nationaux, dont l'ascension à la Pentecôte faisait une manière de pèlerinage -certes laïc, mais assez catholique à nos yeux ; il y avait la rue de Bièvres à Paris, vite devenue mythique et qui allait bien avec son personnage, latin et florentin ; il y avait aussi les Charente d'où il venait, dont il était tout entier pétri jusqu'à son goût pour Chardonne, où il fit retourner son corps lorsqu'il l'abandonna. Ne parlons pas du Général de Gaulle, fils de Lille, dont il portait sur son visage l’austérité, rehaussée par son mariage avec une Vendroux, grande famille de Calais. Quant à Paris, on peut dire qu’elle défile littéralement derrière lui, on y voit les Champs-Elysées et Notre-Dame, comme on voit aussi Colombey et les sombres terres de Haute-Marne face à la grande forêt des Dhuy, symbole combien marquant de son attachement à la terre des Gaules. Derrière Pompidou, il y avait le Cantal et Montboudif, ce qui n'était pas mal non plus; et non loin de là Cajarc aux confins du Quercy et du Rouergue, où il passait ses vacances, et encore Orvilliers, maison modeste mais rituelle qui abritait ses fins de semaine. Derrière Giscard, il y eut l'Auvergne et ses cratères, ce qui faisait un tableau - j'ai apprécié par exemple que, en 1974, il annonce sa candidature à l'élection présidentielle depuis Chamalières, "petite commune d'Auvergne". Derrière Chirac, il y a bien entendu la Corrèze, Saran, le château de Bity, et certaine maison en Provence à laquelle son attachement avait l'air déjà assez artificiel, mais qui était au moins quelque chose ; ainsi de suite, en remontant le temps: derrière Auriol, Muret, et Toulouse, un accent qui avait l’air de retourner la terre ; derrière Blum, Strasbourg, qu’il marquit si profondément que c’est Blum, souvent, que j’aperçois derrière Strasbourg, quand je me promène en certains de ses quartiers – et, aussi, sa belle maison cossue de Jouy en Josas, où il vécut et mourut. Derrière Herriot, Lyon, etc. Pour M. Sarkozy, absolument rien, au point qu'on a même l'impression qu'il est aux Etats-Unis comme chez lui.

 

 

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Dimanche 28 décembre ; Fontgombault. – Arrivé ce matin pour la grand messe du matin. La nef me happe aussitôt, d‘autant plus belle qu’elle est glaciale – et, de même, prières et chants. Beaucoup de monde, qui s’éparpille tandis que je m’installe dans une belle cellule rouge – à vrai dire, beaucoup trop belle. Comme toujours au monastère, le souci des heures, et les heures elles-mêmes sont omniprésentes : un des charmes de la vie recluse ; des charmes, il en a bien d’autres, et d’abord, la rapidité des repas ; mais aussi le repos des messes. Comme la règle libère l’esprit : le revoici, qui reprend possession de soi, et domaine tout ; c’est sans doute cela que l’on appelle « reprendre ses esprits ». Et, bien entendu, à l’apparente frugalité de l’existence correspond alors, par l’esprit rendu libre, une foisonnante richesse de la vie. Comme c’est simple !

 

 

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Lundi 29 décembre ; Fontgombault. – Beaucoup d’hôtes, en cette période - au moins une trentaine, la plupart scouts ou jeunes gens en retraite. Après le déjeuner, à la seule heure où l’on peut, si peu, parler entre nous, j’apprends (de mon « numéro un ») que le téléphone passe « de l’autre coté de la route » ; du coup, belle promenade au soleil, que je pousse jusque sur les hauteurs d’un vallon surplombant la vallée ; de là, assis sur une butte, pas moins de sept téléphonages. Mais alors, revenant au monastère, j'ai hâte de retrouver les murs et leurs nombreux silences. Bien entendu, lisant mes messages, écoutant et parlant – quand bien, spontanément, j’abrège -  je suis redescendu d’un cran : tracas, désirs, projets, désordres variés, je vois s’éparpiller l’indifférence aux choses du jour, qui seule ouvre à toutes les autres, et au plus chérissable, l’invisible infini.

 

            Je suis de longue date partisan des murs –comme des frontières ; comment s’élever, vivre verticalement, si l’horizon n’est pas limité ?, c’est l’éternelle équation de la nation, de la spiritualité, de la liberté, de la souveraineté… savoir opposer ce qui est vertical à ce qui est horizontal, quête du Ciel plutôt que de l’univers, toujours si vite fini, lui… La vie à la verticale, ce peut être l’écriture – qui, ici, bien entendu, avance à grand rythme. D’ailleurs, contrairement à ma première impression, le bienfait ne vient pas tant de la discipline monacale, qui rend libres la plupart des heures, mais de la prière, laquelle simplifie tout. Dans la prière, comme les idées vont vite ! Des sept offices du jour, que j’ai suivis assidument l’un après l’autre, je ressors toujours avec force notes à jeter sur mon cahier, sitôt remonté dans ma cellule. Du reste, ce soir, une lourde fatigue témoigne de l’effervescence du jour ; à moins que ce ne soit la trop courte nuit ; je me demande si je vais demain matin me réveiller de nouveau à 5 heures pour matines ; nous n’y étions que deux hôtes ce matin, par un froid stellaire ; (eu l’idée de regarder dans le bénitier si l’eau était gelée !). J’étais endormi, ou halluciné, pris dans un univers galactique qui ne menait nulle part et, à vrai dire, de cette glaciation brutale, il n’est pas sorti grand chose -sinon l’envie, vers six heures trente de me recoucher, ce que je fis pauvrement.

 

            Encore ceci (j’écris beaucoup sur ce journal ces jours-ci, il est bien le seul à qui je parle) : pendant le repas de midi, lecture d’un passage de Benoît XVI à propos des Journées mondiales de la Jeunesse en Australie, et de la fête en général ; la Pape cite cette phrase de Nieztsche (l’Eglise est décidemment bonne fille ) : « Il n’est pas difficile d’organiser une fête ; le plus difficile, c ‘est de trouver des êtres auxquels la fête donne de la joie ».

 

           

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Mardi 30 décembre 2008 ; Fontgombault. Merkwürdig ! Voici que de nouveau, je me suis levé à temps pour les Matines de 5h15, et si je n’ai pas davantage qu’hier trouvé le moindre début de ferveur – nous étions trois cette fois, et les moines, qui n’étaient pas tous là non plus, chantaient bas, on aurait dit que tout dormait encore, n’était la méchante lumière crue que le père hôtelier a allumée à la hauteur de mon pilier pour que je puisse suivre sur mon psautier, qui me tombait dessus comme si j’étais mis à table au fond d’un commissariat de police. Je n’ai finalement rien goûté de cette scène émouvante par sa nudité et son âpreté, hormis cet incipit magnifique : « Nos  chants rompent le silence de la nuit,  nos prières éclairent l’obscurité de la nuit… » ; du moins me sont venues peu à peu quelques nouvelles réflexions sur la Belgique, si fortes que je me suis finalement convaincu, vers six heures, de remonter dans ma cellule et de me mettre au travail aussitôt. A six heures devant ma machine : pour moi un petit miracle…

 

            (Ai tout de même noté dans le commentaire d’un psaume, une forte parole de Saint Jacques, affirmant qu’une erreur de langue peut devenir une erreur morale, et cette erreur morale peut devenir une faute. Je traduis et cite de mémoire, mais je crois bien restituer convenablement l’idée…)

 

            Cette après-midi, le Père abbé est venu dans ma chambre « me rendre visite », comme il dit si gentiment, et nous parlons presque une heure, ce qui me remplit de joie ; il me dit son admiration pour le pape, et pour sa politique patiente mais opiniâtre, faite à petites touches sûres, pour redresser l’Eglise, revenir à (non pas « sur »), Vatican II, c’est à dire au Concile dans son intention première qui n’était pas le bouleversement qu’ont tant voulu les ennemis extérieurs et intérieurs de l’Eglise. Nous parlons aussi de la mauvaise situation de la France et des souffrances des Français ; et de la conférence que je dois faire chez les Lazaristes de Paris le 24 janvier prochain.

 

C’est le jour des conversations : avant dîner, un des hôtes, qui est prêtre, vient me saluer parce qu’il part (j’apprends à cette occasion qu’il me connaît fort bien, nous nous sommes pourtant coudoyés pendant plusieurs repas sans nous dire un mot) me dit, au sujet de la situation politique : « le plus terrible, dans la crise où nous entrons, c’est que les Français ne sont pas du tout prêts accepter ses rigueurs ; ce sont des enfants, et Sarkozy est le roi des enfants. On a l’impression qu’il fait joujou avec ses nouveaux jouets ». Bien vu ! Autre conversation, après dîner, avec un autre hôte, qui me dit avoir été rendu à la foi par son fils devenu prêtre, et qui s’en étonne encore « Il a reconverti toute la famille ; depuis, je viens quelquefois ici avec ma femme, pour des retraites. C’est merveilleux».

 

Je me laisserais aller, je dirais que tout ici est merveilleux. A l’instant, après vêpres, je suis remonté dans ma chambre dans une félicité extraordinaire, tant les chants m’habitaient encore. J’ai repensé pendant l’office (vêpres est je crois mon préféré, sans doute à cause de la légèreté toute céleste des antiennes, très anciennes me semble-t-il), à cette phrase de Platon, qui pourrait être une porte d’entrée resplendissante dans la foi :  qu’ « il suffit, pour se rendre immortel, de vivre en la compagnie de choses immortelles » ; ici, on sent partout « la compagnie des choses immortelles », et c’est bien la vie qui convient.

 

Aujourd’hui, cependant,  le rythme d’écriture a un peu flanché, tant je suis absorbé par les multiples aspects de la vie de ce monastère – et finalement fatigué à l’heure d’écrire ces lignes - à peine dix heures du soir !  Est-ce mon état d’esprit de la période ? Je n’ai pas senti pareille richesse dans mes deux précédentes retraites, l’une, il y a longtemps, à Ligugé, l’autre, il y a trois ans, à Solesmes –malgré la grande beauté des chants, de la musique et du lieu. Je vois ici plus de ferveur, plus d’attention aux choses, plus d’attachement à vivre et faire vivre l’abbaye de façon exemplaire. Et certes, exemplaire, elle me paraît l’être, ne serait-ce que par le souci d’autonomie des moines : ils produisent, grâce au discret barrage sur la Creuse qui fait un doux bruit d’eau sous mes fenêtres, l’électricité dont ils ont besoin, en revendant même une partie à EDF ; volailles en grand nombre, porcs, vaches –que de lait, et de produits laitiers dans les menus !- fruits, légumes, presque tout vient du grand domaine qui à la fois nourrit et sépare du monde. « Nous n’achetons que le strict nécessaire », me dit le prêtre hôtelier… Il faut toutefois nourrir, outre la soixantaine de moines, une vingtaine d’hôtes continuellement reçus ici – presque quarante en cette période de fête. Et tout roule dans une simplicité magnifique…

 

Je crois à la longévité de l’Eglise romaine, je crois à son redressement dans le cours du XXIème siècle – d’ailleurs, quelle entreprise humaine a jamais dépassé deux millénaires ? J’aimerais qu’une nouvelle respiration lui soit donnée par le renforcement des liens avec la sainte Eglise orthodoxe. D’abord parce que la lecture grecque des Evangiles me paraît fructueuse ; ensuite parce que l’Europe accorderait mieux ainsi ses deux poumons, la réunion de l’ancien Orient et de l’ancien Occident la réconciliant sans doute elle-même ; enfin, parce qu’une telle réunion rapprocherait toutes les sensibilités de l’Eglise romaine, replaçant au centre la tradition dite si bêtement« traditionnaliste », comme celle de cette abbaye, ne serait-ce que par le souci de conserver les traditions anciennes que les Orthodoxes n’ont, eux, jamais modifiées -ce goût romain des réformes !... Sans parler de la beauté mystérieuse de la liturgie, protégée dans l’Orthodoxie… Mais assez glosé : je tombe de sommeil, et vais me coucher, sans avoir travaillé ce soir. Que réserve la nuit ? Serai-je demain sur mon banc dès les matines ?

 

 

                                                *

 

 

Mercredi 31 décembre 2008 ; Fongombault.  De nouveau, grande fatigue ce soir au moment d’emplir ce journal ; d’autant que la journée fut un peu désordonnée : loupé Matines et attrapé in extremis « Laudes » ; puis, il m’a fallu interrompre la grand messe et sortir, aller même assez loin en voiture à la recherche d’une colline d’où mon portable recevait assez d’ondes pour me permettre de participer commodément (c’est beaucoup dire) à un débat sur BFM à propos du « bilan de la présidence française de l’U.E. » ; comme d’habitude concert de « ouiouistes », dont l’inénarrable Cohn Bendit ; seul « noniste » invité, je m’entends traité de « bavard » alors que je n’ai passé dépassé la minute. Tout cela stupide, d’autant que j’en profite pour passer quelques coups de fil… Puis, retour dans l’enclos bienheureux ; mais je sens bien que le calme des derniers jours s’est un peu évaporé. Secrète, Silencieuse, Sobre, Solitaire, Studieuse, la sagesse.

 

 

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