Chevènement : "Les peuples veulent que l'Europe se fasse avec eux"

Publié le par Bertrand de Beaumont

La Provence, dimanche 29 juin,
entretien avec Philippe Reinhard
(extraits)

"Les Irlandais ont parlé pour les autres peuples"

 Jean-Pierre Chevènement, réélu président du Mouvement républicain et citoyen (MRC) le week-end dernier, analyse pour La Provence les conséquences du rejet du traité de Lisbonne par les Irlandais et les perspectives du projet d'Union pour la Méditerranée.

Lors du congrès du MRC, vous avez brandi le drapeau irlandais. Faut-il vraiment se réjouir du non irlandais au traité de Lisbonne?


Jean-Pierre Chevènement :  Le peuple irlandais a parlé pour tous les autres peuples. Au-delà du traité de Lisbonne, il a contesté le fonctionnement très peu démocratique des institutions européennes. Ni la commission, ni la banque centrale, ni la cour de justice ne rendent de compte. Dans le même temps, les Irlandais ont contesté l'orientation peu sociale de l'UE. Cette critique d'une Union technocratique et antisociale est partagée dans l'Europe entière. Les peuples veulent que l'Europe se fasse avec eux. Ils préfèrent une Europe à géométrie variable.

On peut ainsi très bien construire une Europe dotée d'un gouvernement économique au niveau de la zone euro pour créer un espace de relance keynésienne. On peut aussi créer une Europe de la défense à la carte. Le non irlandais traduit une volonté démocratique pour une autre conception de l'UE. On assiste à une remise à plat de la construction européenne que M. Sarkozy avait cru pouvoir éviter avec, hélas, la complaisance d'une majorité des élus socialistes. Mais quand on va contre la volonté des peuples, il y a toujours des accidents.

En saluant le "non" irlandais, ne rendez-vous pas encore plus difficile votre rapprochement avec le PS, nécessaire à la constitution de ce "parti de toute la gauche" que vous souhaitez ?

Jean-Pierre Chevènement :Le rapprochement avec le Parti socialiste ne se fera pas à n'importe quelle condition. Il se fera sur la base d'un accord de principe. Et la réorientation de la construction européenne est évidemment à la base de la reconstruction de la gauche. (...)

Approuvez-vous cette initiative (l'Union Méditerranéenne) de Nicolas Sarkozy ?

Jean-Pierre Chevènement : L'idée en elle-même était bonne. Mais on constate que, pour l'essentiel, l'Allemagne de Mme Merkel a vidé cette Union pour la Méditerranée de son contenu. Il n'y aura pas de crédits supplémentaires et tous les projets devront être instruits par la commission de Bruxelles. On est retombé de la sorte dans le processus de Barcelone qui s'est soldé par un échec. Nous sommes confrontés à ce que M.Sarkozy a accepté, à savoir la rupture de l'équilibre fondateur entre la France et l'Allemagne. Après le traité de Lisbonne et en vertu de critères démographiques, la France ne pèsera plus que les trois-quarts de l'Allemagne.Et l'on voit aujourd'hui que l'Allemagne s'octroie un véritable droit de veto sur des initiatives comme l'Union pour la Méditerranée, qui, en elle-même, est louable.

Mais il aurait mieux valu commencer par une formule moins ambitieuse que cette réunion à quarante, et, par exemple, par une formule à 5+ 5, les 5 pays du Maghreb et les 5 pays européens riverains de la rive nord de la Méditerranée. Cela aurait certainement été plus efficace dans un premier temps. Et puis on aurait élargi au Proche-Orient où les problèmes sont loin d'être résolus.

Il ne suffit pas d'une prestation de M. Sarkozy à Jérusalem pour régler le problème de la création de l'État palestinien. M.Sarkozy a pris un risque. Maintenant, je ne vais pas le critiquer. Je pratique une opposition constructive. Dès lors qu'il a pris ce risque, je l'approuve.

Publié dans Actualité

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