Création d’un réseau européen des NON

Publié le par Bertrand de Beaumont

 

 

Editorial du journal L'Indépendance, septembre 2008 (n°49)

 
    
Les Européens sont en désaccord sur à peu près tous les sujets de politique internationale
», admet Hubert Védrine ce 9 septembre sur France Inter. Ce n'est pourtant pas un grand effort que l'on demande aux capitales européennes : se démarquer de la stratégie de la tension permanente avec la Russie, si évidemment entretenue contre les intérêts européens, d'une part pour perpétuer la division de l'Europe en deux et en lier la majeure partie à la tutelle atlantique, d'autre part pour manipuler, avec la complicité active de la Turquie, le chapelet des républiques d'Asie centrale dont la valeur stratégique ne cesse de croître. Si l'Europe voulait s'unir, elle pourrait aisément le faire autour d’une ligne de bon sens visant à développer les partenariats politiques, financiers, économiques et culturels avec un “grand voisin”, qui donneraient sa vraie dimension à l'ensemble européen - assurant, par sa complémentarité, à la fois son indépendance et son unité. L'effondrement du bloc soviétique était une promesse : mais celle-ci est gâchée chaque année davantage. Symbolique fut à cet égard l’absence française aux obsèques de Soljenitsyne : nos rares ministres qui n'étaient pas en vacances ayant préféré assister à l'ouverture des petits jeux pékinois, la France ne fut même pas représentée par notre ambassadeur, «absent de Moscou» - significatif aussi que le seul homme politique français qui ait fait le déplacement soit Philippe de Villiers, accompagné par le député MPF Dominique Souchet.

 

Combien serait simple de reconnaître l'évidence : humiliée par une obsessionnelle stratégie d'encerclement, victime au Kosovo d'une incroyable provocation, la Russie ne pouvait abandonner de surcroît ses vieux alliés ossètes à l’heure où ils étaient bombardés tout à trac par le maître de Tiflis (sottement dénommée aujourd'hui « Tbilissi »), le président américano-géorgien Saakachvili. S'affirmer solidaire des Ossètes, qui ont réclamé par référendum en 1992 leur rattachement à la Russie, c’est ce que l’on aurait fait aussitôt pour n'importe quel peuple persécuté : voilà qui, cette fois, eut été une diplomatie européenne indépendante. Au lieu de quoi on s'aligna, et en désordre, puisque, aux voyages de MM.Kouchner et Sarkozy en principe «président de l'Europe», se sont ajoutés ceux du suédois Carl Bildt au nom du Conseil de l'Europe, de Madame Merckel et de son ministre Steinmeier, puis une “initiative” polono-ukrainienne, appuyée par Londres, qui n'était que la copie des diatribes guerrières de Washington, dont seul s'est démarqué le cavalier seul italien, jouant sa partition dans son coin. A quoi préside donc la présidence?

 

Il faut dire que la cacophonie est telle que les déclarations toujours atlantistes du Haut Représentant pour la Politique Etrangère, M. Solana, ne coïncidaient guère avec celles de la Commissaire chargée des Relations Extérieures, Mme Ferrero-Waldner. Quand après cela on entendit Monsieur Kouchner annoncer devant le Parlement européen que l'UE suspendait toutes les réunions prévues au titre du «partenariat stratégique avec la Russie» que l’UE avait elle-même lancée en juillet, on sombra dans la pantalonnade. En fait, le caravansérail dit « européen » n'a plus rien de sérieux.

 

Transformer les européennes en référendum

 

Plus sérieux apparaît en revanche le camp des NON au traité de Lisbonne qui s'organise à vive allure à l’échelle européenne. En juin dernier, le coup de boutoir irlandais, s'ajoutant aux précédents français et hollandais, attirait l'attention sur une flopée de sondages annonçant que le NON était également majoritaire dans plusieurs autres pays de l'UE. Depuis, le vent de Dublin galvanise toutes les énergies : lors de la session de rentrée tenue à Bruxelles (et non à Strasbourg pour cause d’absence de plafond ! ), une conférence de presse de l’Irlandais Declan Ganley, notre prix de l’Indépendance de juillet, réunit une flopée de journalistes et caméras comme on n’en voit rarement en ce lieu: le sémillant Ganley annonça la création d’un réseau européen de tous les NON, l’objectif étant de présenter des candidats dans un très grand nombre de pays névralgiques lors des européennes de juin prochain. Si les médias d’Europe (mais pour l'instant peu de français, comme d'habitude...) s'attachent aux basques de ce nouveau venu, c'est qu'il a donné des preuves de son efficacité : en avril dernier, nous observions que la campagne irlandaise était morne, les sondages annonçant certes 25% de OUI seulement, mais pas plus de 17% de NON: c'est alors qu’il entra en scène, ne ménageant ni son temps, ni ses moyens personnels, avec un rayonnement personnel qui saute aux yeux, couronné du succès que l'on vit. Son intention est d’élargir la campagne aux dimensions de toute l’Europe et de transformer les prochaines européennes en un vaste référendum sur Lisbonne : il ne s'agit rien moins que d'envoyer à Bruxelles et Strasbourg une majorité de députés “euro-réalistes” propre à gripper la grande broyeuse… Pari délicat qui, bien qu’il ne suffise sans doute pas à abattre la citadelle, changerait tout de même la donne assez substantiellement…

 

Si l'on songe que l'opposition à Lisbonne est majoritaire dans la plupart des pays, le pari n'est pas hors d'atteinte ; d’autant que, si le parti du NON est déjà organisé dans plusieurs d'entre eux et représenté au sein de notre groupe Indépendance& Démocratie - groupe sur lequel l’entreprise prend d’ores et déjà appui -, de nombreuses autres nations n'ont pas encore de parti du NON : que l'on songe à l'Allemagne (où les opinions négatives sur l'euro restent majoritaires d'après les sondages), à l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Autriche ou la Hongrie (deux pays où il commence pourtant à s'organiser) et l'on mesurera le vivier d'opposants encore inexploité et, partant, la probabilité d'une surprise en juin prochain.

 

Notre combat change ainsi d'échelle. La contribution de la France doit être exemplaire. Il serait impardonnable de ne pas multiplier le nombre de nos sièges à Strasbourg et Bruxelles, conformément au rôle pionnier qu'a joué la France, première à s'opposer à la Constitution supranationale, d'autant que nous avons désormais les moyens, les relais, et, depuis le 29 mai, une forte légitimité populaire. A nous de donner à ce combat l'unité de volonté et d'énergie que requiert son immense enjeu. Alors que la plupart des souverainistes se sont assoupis dans des chapelles, lesquelles n'ont manifestement pas la taille minimale requise pour relever pareil gant, il est réconfortant que la réunion des Non européens puisse se faire à Paris, dès le 21 septembre, lors de notre Université de rentrée qui accueillera, autour de Declan Ganley, une dizaine de députés européens du groupe Indépendance&Démocratie. A cette grande rencontre sont conviés tous les militants et tous les porte-parole du NON, de quelque horizon qu'ils viennent. Depuis toujours, je suis convaincu que l'unité ne se fera pas par la réunion de cénacles mais par des réseaux de cette sorte, par des manifestations de rue, par des journaux s'adressant au grand public, par des listes électorales ouvertes à tous les courants, comme je l'ai fait moi-même en Ile-de-France en 2002. Que l'on vienne en masse les 20 et 21 septembre prochains ! Pour la première fois depuis quinze ans, nous menons le jeu : la victoire est à portée de nos mains!

 

Paul-Marie Coûteaux                                                  Paris, 15 septembre 2008

Abonnez-vous ICI !

 

Publié dans Actualité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article