L'emprise de l'OTAN (2)

Publié le par Quotidien de Babylone

Mercredi 15 avril; Bruxelles. - Sur l’OTAN, ceci encore : Si l’on a mis l’accent sur la dimension symbolique, on a moins souvent insisté sur la réduction de nos marges de manœuvres opérationnelles : d’une part, cette participation a un coût (environ un demi-milliard d’euros sur 5 ans), d’autre part, de nombreux officiers français (plus de 800) seront détachés de nos armées au bénéfice des chaînes du commandement « atlantique »; pour finir, il est inévitable que certains de nos contingents, déjà déployés sur tous les continents à la limite de nos capacités, seront  dégarnis en priorité sur les terrains extérieurs à l'OTAN, notamment en Afrique. Déjà diminués par deux fois depuis deux ans, les garnisons françaises y pourraient encore être allégées, au risque de les rendre inaptes à leur mission, la première étant la stabilité de pays toujours menacés par des guerres et coups d'Etat. Où prélever encore ? Abandonner Djibouti serait renoncer à une carte stratégique de première importance ; il en va de même du Tchad, si fragile, comme en d'autres pays de l'Afrique occidentale ou équatoriale qui ont besoin de la France, tout autant que la France a besoin d'eux si elle veut rester une puissance mondiale. Notre lien très ancien avec l'Afrique serait ainsi, comme mécaniquement, la première victime du retour dans l'OTAN.

 

Et encore ceci : nul ne semble avoir songé à évaluer les conséquences sur nos industries de défense, certes difficiles à déterminer avec précision mais hautement prévisibles. Il est à peine besoin de rappeler que c'est dans le cadre de la politique d'indépendance menée par la Vème République, du moins à ses débuts, que furent conçus de grands programmes d’industries de défense. Aujourd’hui, la France est le seul pays européen capable de développer pratiquement toute la gamme des armements, nos partenaires contribuant de préférence à l’effort de recherche et de développement des matériels états-uniens (cf. le futur avion de combat ACF) : la France étant membre à part entière de l’Organisation euro-américaine, il lui sera fort difficile de ne pas faire de même au nom de la « compatibilité des matériels » ou de « l’interopérabilité », fut au détriment de nos industries –et de notre effort de recherche qui lui est tant lié…

 

Cet enfermement atlantique signe l'échec de ce que le général de Gaulle a voulu que soit le Vème République, jusqu’à son esprit même. Par sa présence même lors des cérémonies de Strasbourg et Kehl, la Chancelière se posa en marraine du retour de Paris dans le giron de Washington : alors que de Gaulle tenta d’amener l’Allemagne sur la voie d’une Europe indépendante, c’est aujourd’hui l’Allemagne qui nous ramène à l’alliance américaine ! Il faut tenir pour une galéjade l’idée, sans cesse reprise par les dévots de « l’Europe » mais aussi les dévots de l’atlantisme (en fait, ce sont curieusement les mêmes…), comme, bien entendu par la « grande » presse, qui aime tant l’une et l’autre, que notre réintégration fera progresser l’Europe de la défense. Comment croire ce syllogisme : « nous voulons faire progresser la défense européenne  auprès de nos partenaires, qui certes préfèrent l’OTAN (à laquelle il est fait référence à de multiples reprises dans le traité de Lisbonne), en entrant dans l’OTAN, nous parviendrons à doter l’Europe d’une défense autonome ?

 
Jeudi 16 avril 2009 ; Mirebeau. - OTAN, suite. Jacques Myard faisait judicieusement remarquer, l’autre jour, que « l’OTAN concourt à la stratégie d’influence des Etats-Unis, et que, par exemple, le sabir nord-américain y tient lieu de langue de travail exclusive ; par mimétisme, il est édifiant de constater que la force de gendarmerie « européenne » n’emploie que l’anglo-américain comme langue de travail ». Et cela est bien moins anodin que presque tout le monde le pense, ou ne le pense pas… 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article