Athènes en flamme, l'Europe de demain
Bloc-Notes de Paul-Marie Coûteaux
Mardi 9 décembre, Bruxelles. - Les bourses ont remonté hier ; du coup on entend de nouveau la chanson "sur la crise qui n’était que passagère". Il y a six mois je m'amusais déjà des propos rassurants de ces messieurs-dames : par exemple ceux de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France qui déclarait le 26 juin : "il n'y aura pas de deuxième vague de la crise" ; ceci quelques semaines après qu'Allan Grenspan ait déclaré que les effets secondaires des subprimes n'étaient pas graves « eu égard à leurs avantages ; globalement, elles ont profité aux consommateurs" (11 avril 2005). Quelques jours auparavant Dominique Strauss-Kahn assurait que "en 2008, la croissance ne connaitrait rien d'autre qu'un ralentissement "(3 avril 2008). On dit beaucoup que ces propos ont pour but de rassurer les marchés : en fait ils ont surtout pour but de rassurer ces messieurs eux-mêmes, cette oligarchie qui flotte dans l'éther, qui littéralement ne touche pas terre –on ne l’appelle pas pour rien la jet society car elle vit en effet dans les avions, dans l'air, en dehors de toute réalité et de toute vérité, n'ayant avec le monde qu'un rapport d'argent, rapport des plus volatile. En permanence il lui faut mentir, et d'abord se mentir. On est stupéfait que les peuples, sous couvert de mondialisation, d'Europe, de fraternité, de paix universelle, etc, aient rendu toutes les clefs à cette engeance là.
Les effets de cette gigantesque dépossession des peuples par eux-mêmes, ou du moins par une oligarchie mondialisée qui n'a avec eux nul rapport, sinon des rapports d'aéroport, seront à sa mesure : gigantesques. La crise économique, évidente depuis 2005, la crise financière qui en découle et qui la nourrit en retour, la crise sociale et bientôt politique, tout cela ne fait pas une crise, même pas une crise "systémique" mais une crise sismique c'est à dire un cataclysme. Les prodromes sont multiples en Europe ; ces messieurs-dames appellent "résurgence du populisme" les plus visibles ; on en voit partout les germes notamment dans les jeunesses européennes, aux Pays-Bas, en Autriche, en Hongrie, ces jours-ci en Grèce. Les manifestations qui secouent depuis quelques jours le "berceau de la démocratie" où se succèdent les plans de rigueur imposés par Bruxelles et Francfort pour satisfaire aux critères de l'€uro et les cas de corruptions, et finalement les étapes régulières d’une générale clochardisation d'une partie de la jeunesse (le salaire d'un jeune professeur est de 600 €uros pour un niveau de prix semblable au nôtre), ces « violences urbaines », comme on dit, ne sont qu'un signe avant-coureur de révolte populaire qui dans les prochains mois s'étendra sur toute l'Europe et dont une jeunesse pauvre, voire misérable, désœuvrée et désorientée fournira autant de bataillons prêts à tout tenter.
L'erreur de diagnostic que font, pour se rassurer, les oligarchies mondialisées, est une terrible bombe à retardement. Refusant de voir la béance de la mondialisation, système à valeur théologique qui n'autorise la survie qu’aux plus performants, qu'il s'agisse des Etats, des entreprises ou des individus, et qui de ce fait marginalise l'immense majorité des nations et des êtres ; niant l'absurdité du système sur lequel elles trônent et dont elle ne colmatent les brèches depuis 36 ans qu'à grands coups d'anticipation financière, de création de monnaie virtuelle, ces oligarchies s'interdisent toute sagesse, toute lucidité et finalement toute porte de sortie, emportant le monde entier vers le cataclysme. C'est le fumeur qui, atteint des premiers signes du cancer, découvre qu'il ne tousse plus dès qu'il allume une nouvelle cigarette et qui, croyant la toux passagère, croit se soigner en doublant sa consommation de tabac. Les jeunes Athéniens d'aujourd'hui qui hurlent, brûlent et saccagent, comme ils ont le visage de l'Europe de demain ! Ce qui triomphe peu à peu, je le répète depuis dix ans, c’est la pure et simple anarchie…