Couleur politique

Publié le par Quotidien de Babylone

Bloc-notes de Paul-Marie Coûteaux

Mardi 4 novembre ; Mirebeau. -
Grand ciel bleu, tout à coup, ce matin, et grande lumière; nous émergeons des deux journées bretonnes comme on revient des Ténèbres… 

            « Plusieurs Etats sont en balance » entend-on toute la journée à propos des élections américaines. S’il est un Etat qui ne balance pas, c’est bien la France ; à en croire tous les médias et les tuyaux imaginables, elle vote Obama à l’unanimité, ou presque ; très peu osent préférer Mac Cain, personne n’ayant bien entendu le droit de s’abstenir. Or, il finit par devenir nécessaire de rappeler que cet Etat de l’empire n’a pas le droit de vote. Ainsi, de deux choses l’une : soit cette élection revêt pour le proche avenir de la France et des Français une grande importance, justifiant l’actuel tintouin médiatique, et, comme nous n’avons pas le droit d’y prendre part, c’est un aveu d’aliénation. Soit « le choix du 4 novembre » n’a pour nous guère d’importance, et cette affaire, qui certes peut avoir quelques répercussions sur deux ou trois dossiers internationaux, serait alors en bonne part du spectacle -autre forme d’alinéation... 

            Les deux hypothèses recouvrent une part de réalité, qu’il faut oser dire : ces « 4 novembre » sont chaque fois une illustration de notre aliénation. Mais j’opterais plutôt pour la seconde, celle du spectacle. Etant donné que le fameux Obama fait une campagne « au centre du centre », comme dit ce matin une « observatrice » de France Culture, et que l’on nous a répété depuis des lunes que toute l’habileté de Mac Cain avait été, pour s’imposer dans le camp républicain, de « faire la course au centre » ; étant donné aussi que les principales divergences entre les candidats portent d’une part sur le taux d’imposition et le degré de politique sociale (dans l’un et l’autre cas, on aura un entre-deux, dans les limites qu’impose la situation fnancière des Etats-Unis), d’autre part sur le plus ou moins grand engagement/dégagement en Irak et Afghanistan et que, dans les deux cas, il me paraît certain que Washington devra se replier assez vite, comme les rodomontades contre l’Iran ont montré que, démocrate ou républiciane, l’administration ététs-unienne n’était plus ce qu’elle était jadis; étant donné, donc, les très grandes contraintes qui pèsent sur la politique de l’Empire refluant, dont la récurrente affaire iranienne a clairement montré les limites, ce combat titanesque entre deux extrémistes du centre se réduit à très peu de chose. Sauf une : la couleur, non du parti, mais de la peau de l’élu. Le débat n’est plus entre le rouge républicain ou le bleu démocrate, mais entre le blanc ou le noir.  

            Là, il y a du spectacle, peut-être même un enjeu -que personne n’ose exprimer. Non pas la place faite aux personnes de peau noire dans  la dite « société occidentale » comme on dit bien maladroitement quand on n’ose pas parler de « monde blanc » : cette place est déja très grande (acteurs, présentateurs, hommes politiques de premier plan l’ont illustrée depuis longtemps) ; il s’agit du degré d’avancement de l’Empire, comme celui de Rome se mesurait à ce que les Empereurs venaient de ses provinces les plus lointaines –si les premiers Auguste étaient tous nés en Italie, dès le IIème siècle les Empereurs nés outre-mer allaient se multiplier : en 147 le futur Claudius Albinus, africain romanisé, naissait près de l’actuelle Sousse, comme Septime Sévère naquit dans l’actuelle Lybie ; le phénomène de revanche de la périphérie sur le centre s’accéléra tout au long de la décadence romaine :  Caracalla était de père berbère et de mère syrienne ; en Syrie naquirent Héliogabale et Philippe l’Arabe, en Phénicie Sévère Alexandre, etc…  Au début, plus on venait de la périphérie, plus  on se voulait Romain –il est nécessaire qu’il en soit ainsi, comme il est tout a fait normal que les Etats-Unis, qui se sont toujours voulus multiraciaux, portent à leur tête un président dit « de couleur »: ce ne sont là que les évolutions, et les basculements normaux du monde.

            En somme, blanc ou noir –et non plus, ou si peu, rouge ou bleu, il ne s’agit plus de politique, mais d’autre chose : de l’évolution, ou de l’involution normale d’un Empire. Dans tous les cas, évidemment, il y aurait lieu de nous tenir à l’écart, nous autres Français, autant que faire se peut, spirituellement et politiquement…

 

 

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