Une représentation politique gravement malade

Publié le par Quotidien de Babylone

Bloc-notes de Paul-Maris Coûteaux

Dimanche 4 janvier, Bordeaux.
- Ma mère prend grand plaisir à regarder de temps en temps, sur internet la lettre quotidienne des « Manants du roi » ; il est vrai que ce site est fort bien fait, et j’admire qu’il se renouvelle tant, jour après jour ; aujourd’hui, je tombe sur un extrait de « L’Humanité Dimanche » du 12 mars dernier ; un article d’un certain Michel Cardoze que je ne résiste pas à l’envie de copier dans ce journal, tant il me paraît judicieux :

 

«  Notre système politique connaît aujourd'hui une grave "dérive monarchique », dit-on. C'est à mon avis le contraire: Nicolas Sarkozy s'applique à détruire ce que la fonction présidentielle avait en effet de monarchique. Je m'explique. Que la Constitution de la Ve République favorise le pouvoir personnel et rabaisse le rôle du Parlement et en général celui de tous ses élus, c'est une vérité connue depuis un demi-siècle (1958) (…) On assez dit que le régime était une monarchie républicaine: le roi est élu mais c'est le roi. Il ne guérit plus les écrouelles en sortant de la cérémonie du sacre, mais il gracie les condamnés et personne ne connaît son budget ou ses doubles vies. La justice ne peut le poursuivre. Il est "au-dessus" des partis. C'est tout cela que Nicolas s'applique à détruire.

Signes de la destruction de la monarchie: la familiarité de langage et de comportement, constatée pendant la campagne et depuis. De "Descends me le dire en face si t'es un homme" à "Casse-toi, pauv'con", mais aussi le sac à main beigeasse, "Je vais l'offrir à Carla qui m’a demandé de lui rapporter quelque chose", etc., chaque jour offre son lot de comportements de Mimile rouleur de mécaniques ou de nouveau riche content de l'être. Voilà qui peut marcher chez certains qui ne sont pas forcément des salauds.
Mais on est loin de la majesté royale républicaine et du sacré qui justifie cette majesté. Les rois étaient sacrés car ils tenaient leur pouvoir héréditaire de Dieu et d'un sacre aux saintes huiles. Le président inventé par de Gaulle (1958) était jusqu'ici sacré par le suffrage universel et les saintes urnes.

Sarkozy refuse et démantèle le sacré. Même sa vie privée participe de cette désacralisation: ce n'est pas Louis XIV et ses maîtresses honorées, mais un mélange de comédie de boulevard et de collection Harlequin, c'est-à-dire, en vérité, la vie de tout le monde, "Est-ce qu'il gère la France comme ses amours? Deux mois après la rencontre, il épouse...", dit, navré, mon médecin Habib S. Et moi je réponds: "Il a le droit, non? (et je pense: c'est vrai, mais bon dieu, ça ne fait pas président-monarque)...
Elle est donc voulue, consciente et organisée, cette destruction de la monarchie par celui qui se pense non comme un souverain, mais comme un "boss".

(…) Alors cette destruction de la monarchie, une bonne affaire pour les adversaires du "pouvoir personnel"? Eh bien non, justement. Car la destruction de ce que la République tient de la monarchie, le sacré de la fonction, pourrait déboucher sur la pire des aventures, une sorte de proconsulat de la vulgarité et du volontarisme. Ce volontarisme risque d'être suivi de si peu d'effet que désordre et violence en prospèrent. Ce déglinguage de la société est le fruit mauvais de la crise de la représentation politique malade à crever des promesses jamais tenues, ni par les uns ni par les autres."

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